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La mienne est plus grosse que la tienne

Bonne accroche ça, non ?... Sauf que...
 
...ça ne parle pas de taille de voiture, de maison, ou d'une quelconque turgescence organique. Non, une fois de plus je m'installe dans le registre de la prise de tête avec le même confort qu'une legionella pneumophilia dans la clim d'un service de réanimation. Cette fois, il s'agit de modestie.
 
Après des années d'étude, d'observation et de pratique, je crois que peu de sujets s'offrent autant au paradoxe. En effet, pour citer - avec des gants et du rouge aux joues - Philippe Bouvard (oui, à moi aussi ça me fait drôle de le voir là), "la modestie est, par définition, le seul sentiment qui cesse d'exister à l'instant où on commence à l'évoquer". On l'appelle aussi "orgueil déguisé". Et il faut avouer que rien n'est plus irritant que la fausse modestie flagrante, la perche tendue pour se faire complimenter... Pour en avoir usé trop longtemps, je pense savoir de quoi je cause. Ayant eu - à une époque révolue - une injustifiable fierté de moi-même alliée au besoin de me la faire confirmer par mes contemporains, j'ai certainement dû être un vrai jeune con et je ne m'en excuse pas car 100% de mon entourage en faisait autant.
 
Les épreuves, et certaines particulièrement pénibles, peuvent sérieusement ébranler l'édifice, comme on dit dans les familles nombreuses vouées à l'inceste*. Bouffie de cicatrices invisibles, la modestie peut devenir, enfin, authentique. Il suffit qu'elle soit en résonnance parfaite avec la vraie estime qu'on a de soi et de sa place dans le monde. Cela diffère de l'humilité car, à mon sens, cette dernière fouette la myrrhe, l'encens, et le comptage de points pour Saint-Pierre, autrement dit, elle est réservée à ceux qui comptent là-dessus pour s'assurer un strapontin céleste. La vraie modestie, c'est celle qui ne s'énonce pas, celle qui ne se voit que de l'extérieur par ceux qui ont le regard pertinent et attentif. On ne peut pas en parler lorsqu'il s'agit de soi. J'ai envie de dire "moi-même j'ai du mal", ce qui est vrai mais qui me mettrait dans la situation inconfotable du paradoxe pré-cité. Reconnaître cette qualité chez autrui est déjà plus aisé.
 
Comment définir cette modestie authentique et sincère ? Difficile. C'est comme pour les cons : ça ne se définit pas, il faut des exemples.**
Pour moi - avec toute l'incertitude que cette subjectivité implique - il y a deux types de "vrais" modestes. D'une part ceux qui le sont par nature et qui manquent d'ambition. D'autre part ceux qui parviennent à concilier une énergie constructrice tout en gardant les pieds sur terre en ce qui les concerne humainement parlant. Ces derniers, mais ça n'engage que moi, sont les seuls "vrais hommes" (ou femmes, faites pas chier, c'est pas le sujet et je généralise, comme tout le monde, avec le genre masculin). Je ne vois pas mieux, pour illustrer ce propos, que de citer un film injustement négligé par une certaine intelligencia cultura définitivement antinomique, "mon nom est Personne" dans lequel le héros ne porte pas de nom afin de laisser retomber le mérite de ses exploits sur d'autres. Le dialogue suivant correspond pour moi au plus bel exemple de modestie car seul Henri Fonda - et peut-être le spectateur s'il a un peu de jugeotte - perçoit que sans le savoir (ou pas ?), Personne parle aussi de lui-même :
"- Ce que je ne vois pas encore dans tout ça c'est, qu'est ce que cela peut bien te foutre ?
- Un homme, un vrai doit croire en quelque chose.
- Dans ma vie j'ai rencontré toute sorte de gens : escrocs, assassins, prêtres plus ou moins défroqués, putains, maquereaux, receleurs, même parfois quelques types réguliers. Mais un homme qui soit un homme, jamais.
- C'est de ceux la dont je parle ; on ne les rencontre jamais, mais ce sont les seuls valables.
"
 
La difficulté, avec la modestie, c'est lorsqu'on en parle entre amis. Certains assument un minimum de mégalomanie, voire d'égocentrisme, mais mettre face à face deux modestes qui abordent le sujet peut être intéressant et hautement paradoxal. Soit chacun reconnaît à l'autre une plus grande modestie, ce qui les replace aussitôt en pôle position - "tu es plus modeste que moi, je m'incline..." -, soit la dose de mégalomanie que chacun a en soi est encore bien prégnante et on force le trait sur les aspects les moins prétentieux de sa personne - "je suis sûr que la nature t'a mieux équipé que moi, donc ma modestie est plus grosse que la tienne !"***.
Je sais, j'aurais pu limiter cet article à ce dernier paragraphe, mais j'avais envie d'écrire et c'est parti tout seul...
 
Je tiens à terminer avec quelque chose qui me tient à coeur et que ne comprendront que les plus fins lettrés, c'est dire en quelle estime je te tiens, cher lecteur : la modestie que je préfère, c'est celle qui masque la naissance de la félicité douce et galbée...
 
 
 
* une explication honteuse de cette vanne est disponible sur simple demande avec une enveloppe timbrée.
** la paternité de cette saillie brillante revient à Michel Audiard qui, lui, a poussé Dieu sur un strapontin afin de remettre les choses à leurs places.
*** il fallait bien justifier ce titre. Après tout, ce délire est parti d'une situation réelle semblable...


09/09/2011
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