Mobilis in Mobili
Résumé de l'intervention précédente :
Il y a peu, j'ai commis sur ce bloug un crime de lèse-Facebook. Aucune repentance, je vous rassure, mais des interrogations et une envie de rebondir sur le commentaire qui m'a été laissé. En gros, l'intervenant sympathique bien qu'anonyme m'a fait comprendre que je me la pétais et qu'il fallait que je foute la paix à ceux qui se complaisent dans l'abrutissement puisque c'était leur choix.
Honnêtement, je ne pense pas que je les dérange beaucoup vu qu'il y a moins de lecteurs sur mon blog que de vierges à une Bounga Bounga berlusconienne. Ensuite, plusieurs choses sont à mettre au point et à éclaircir afin d'éviter les malentendus dont, quoi qu'en pense mon commentateur, je fais plus cas que ce qu'on pense : l'intérêt, c'est d'être compris, sinon j'arrête de communiquer et je ferme définitivement ma gueule.
Tout d'abord, ce bloug est une autocritique car ma première cible, c'est moi-même. Trop conscient de mes lacunes, de mes faiblesses et de mes limites, j'écris essentiellement pour exorciser sur une page blanche ce que j'ai du mal à appliquer au quotidien. Mais on n'est pas là pour faire de la psychanalyse de bas étage...
Deuxième chose à laquelle je tiens, c'est la revendication de la possibilité de m'exprimer sur le net autrement que comme je le vois sur les réseaux, forums, blogs et autres. Il ne s'agit pas de faire de l'élitisme : j'ai horreur de l'élitisme. Mais le fait d'employer des mots de vocabulaire équipés de trois syllabes après la virgule ne fait pas d'un auteur un hautain : c'est un choix. Tous ceux qui s'expriment ont le choix : celui de faire l'effort d'utiliser un mot plutôt qu'un autre, un style plutôt qu'un autre... Les mots sont à tout le monde et personne n'a de droit dessus. Quand je vois avec quelle virulence péremptoire une majorité d'internautes s'en prend aux politiques, aux théoriciens, aux scientifiques, aux avocats, aux simples internautes qui ont un discours non radical et réfléchi, et à tout ce qui a fait un minimum d'études supérieures, le tout sans la moindre remise en question de soi, la plus simple possibilité de réponse, ni la plus petite ouverture au dialogue, je constate que le Net est dangereux : c'est la loi du plus nombreux, du plus compulsif et du plus sourd.
Pour résumer, sur Internet, il est autorisé, et même conseillé, de critiquer toute forme de pouvoir, d'insulter tout ce qui n'est pas "soi", de se constituer en groupes moutonneux pour tirer à boulets rouges sur des cibles exposées, et de décrédibiliser les gens qui parlent comme dans les livres (et qui, horreur, en écrivent !). Par contre, il est interdit de souligner le manque d'ouverture d'esprit, l'absence de réflexion et d'intelligence, la stupidité de la plupart des mouvements de foule, la complaisance dans la médiocrité...
Il est donc plus consensuel de taper sur ceux qui veulent élever le débat, qui suggèrent qu'on s'intéresse aussi à la partie immergée de la culture, celle qui n'est pas visible à la télé... C'est considéré comme du dédain ? Pourtant ce n'en est pas : c'est une supplique pour inciter les gens à mieux communiquer, à accepter l'existence de choses hors TV/Internet/milieux socio-pro cloisonné. Ca s'adresse autant au trader snobinard qui n'a même pas conscience de l'indélicatesse de son propos ultra-libéral qu'à l'étudiant en manifestologie compulsive qui bêle derrière la masse des agitateurs parce qu'on lui a dit qu'il fallait.
Je m'adresse ici à tout le monde et à moi le premier afin de ne pas oublier l'imperfection dont je suis constitué et que je tente d'améliorer un peu chaque jour. Vous pouvez considérer ce bloug comme un incessant travail sur moi-même. Donc oui, commentateur chéri, je me prends grave le chou avec mon cerveau tordu, mais c'est pour le bien de l'humanité... Hmm ? J'en fais trop, là ? Ok... si je dis que c'est juste pour me sentir moins con alors, ça passe mieux ?
Je vais conclure avec une référence susceptible d'un effet boomerang. Je trouve dommage que l'usage de tel ou tel lexique catalogue les gens et crée des oppositions, mais c'est inévitable, notamment sur Internet où sur la base d'un seul petit indice linguistique, on se retrouve rangé dans une case, généralement avec un violent dédain (ce que, malgré la remarque qui m'a été faite récemment ici-même, n'est jamais le cas sur ce bloug). Dans son ouvrage "Outsiders, sociologie de la déviance", le sociologue Howard Becker dépeint la catégorisation et l'exclusion des gens en fonction de leur langage et des vocabulaires spécifiques employés. Autrement dit, comment des groupes créent des normes linguistiques qui, si elles sont contrariées, poussent ces groupes a exclure, parfois brusquement ou dédaigneusement, les "déviants/contrevenants". C'est ce bouquin qui m'est revenu en mémoire lors de la critique de mon assaut contre Facebook, comme si le fait de trouver plus de points négatifs que positifs à ce rézosocial était anormal et qu'on me demande poliment de ne plus faire chier le Net avec mes prises de tête.
Ce que je trouve grave, c'est que mes articles dénonçant les concepts de liberté et d'égalité aient provoqué moins d'écho qu'une saillie contre Facebook alors qu'en les écrivant, j'espérais qu'on me réponde et qu'on m'aide à me faire une idée plus précise de ces concepts, je pensais qu'il y avait là un lieu de débat constructif... Visiblement, mon approche d'Internet est faussée, j'ai pas le bon mode d'emploi, je ne maitrise pas ce sociolecte, et il n'en résulte qu'un manque de compréhension chronique de ma part. Mais j'ai bon espoir car Internet a cette faculté d'être en mouvement perpétuel et se modifie un peu plus chaque jour.
Dans le bon sens ?
Face-biactol
Les Odieux du Stade
La mienne est plus grosse que la tienne
- Un homme, un vrai doit croire en quelque chose.
- Dans ma vie j'ai rencontré toute sorte de gens : escrocs, assassins, prêtres plus ou moins défroqués, putains, maquereaux, receleurs, même parfois quelques types réguliers. Mais un homme qui soit un homme, jamais.
- C'est de ceux la dont je parle ; on ne les rencontre jamais, mais ce sont les seuls valables."
Faire taire le silence
Déjà vaguement évoqué dans l'article précédent...
...le thème du silence m'est parmi les plus chers. Bien qu'ayant déjà, en d'autres lieux, fustigé la Fête de la Musique dernièrement, j'éprouve le besoin de m'exprimer à ce sujet ici aussi. Avec un mois de retard, et alors !?
A toutes fins utiles, je pose une précision tout de suite : j'aime la musique. Ce que je n'aime pas, c'est la structure qu'on lui offre sur un plateau public et qu'on impose par là même à environ 100% de la population. Tous ne sont pas mélomanes, mais les organisateurs de cette foire sonore n'en ont rien à secouer. Et même s'ils étaient tous mélomanes, aucune chance pour que tous apprécient le même style de musique. Mais peu importe, c'est la Sacro-Sainte Journée du Boucan, donc les réfractaires aux poum-tchaks binaires et aux 5/4 involontairement dissonnants sont priés de fermer leurs fenêtres et leurs gueules... Des heures durant, des zikos très amateurs assaillent les tympans des riverains comme des révolutionnaires s'en prenaient à ceux des églises (pour ceux qui ne pigeraient pas cette phrase, une brève recherche en architecture religieuse devrait vous éclairer). En plus, les balances sont généralement mal faites et, par un effet de mode déplorable, les basses sont systématiquement amplifiées afin de faire plus de volume sonore, et fuck les nuances.
Ca fait vibrer les vitres...
Bien entendu, la justification théoriquement culturelle de cette manifestation (rendant celle-ci politicorrectement inattaquable) n'est qu'un prétexte pour imposer un air de fête au moindre bourg, à la moindre ruelle, et ce sans se soucier de ceux qui auraient besoin de silence, pour diverses raisons (physiologiques, psychologiques, culturelles mais d'une autre culture...). Quoi de plus pathétique qu'une fille qui pleure dans un escalier envahi de rythmes harrassants parce que son mec l'a lourdée ce soir là ? Quoi de plus déplacé que les beats graves sourdant à travers les murs d'une chambre où on veille un mort ? Il est où le respect de l'autre quand on empêche un recueillement pour des raisons de teuf massive légitimée par quelques politicards démagos et consensuels ? Le plus triste là-dedans, c'est que quelqu'un qui aura besoin de silence sera hué et conspué si par malheur il réclame ce dernier. Le silence est traqué, chassé dans les moindres recoins, et il devient honteux de le revendiquer. Le sens de la fête a définitivement anéanti le sens de son prochain. Philippe Muray en parle tellement mieux, et avec une verve terrible ! Anarchiste de droite dont la lecture m'a été conseillée par un gauchiste asocial (si tu me lis, toi qui es concerné, je te caricature un peu, c'est juste un effet de style), c'est pour dire l'intensité du truc !
Si on demande d'arrêter le boucan, on sera prié de ne pas faire chier parce que c'est culturel et fédérateur. Culturel ? Mon cul ! Des covers toutes pourries de standards de la pop qu'on entend déjà en boucle sur les ondes consensuelles. Fédérateur ? Et ta soeur ? Si les mouches sont attirées par la merde, de nombreuses espèces préfèreront des substances plus douces et plus subtiles.
En fait, la société actuelle méprise le silence, même si celui-ci est demandé par une majorité. Imaginez une seconde qu'on crée la Fête du Silence ? La Journée sans Bruit ? Imposer le silence est juste mission impossible car trop de voix s'élèveraient contre cet "évident manquement à la liberté d'expression". Bande de nazes, les mimes et les muets, ils s'expriment comment ? En tapant sur des congas ? Le silence est culturellement en inadéquation avec le monde danslequel on vit, et tenter de l'imposer aux "bruyants" comme ceux-ci imposent leur musique aux adeptes de la paix sonore est inenvisageable.
Je pense que les gens aujourd'hui ont peur du silence comme ils ont peur du noir. C'est la réflexion que je me suis lancée il y a quelques temps dans un train entre Genève et Lyon, en passant dans un tunnel plutôt long alors que l'éclairage du wagon dans lequel je me trouvais ne marchait pas. Nous étions donc plongés dans le noir, et j'ai aussitôt entendu un léger brouhaha, des rires nerveux ridicules, et autres sons humains que je ne pensais entendre qu'au cours d'un 4'33" de John Cage. Je me suis dit que les gens supportaient mal le silence, que ça les mettait mal à l'aise, comme des gosses qui ont peur du noir. Alors ils comblent ce qu'ils croient être du vide en faisant du bruit...
Chut...!