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Poétons plus haut que notre dû

Au fond, à quoi ça rime...

...de faire des rimes ? Question stupide car aucune rime n'est indispensable à la poésie, sauf chez les rigides créatures sorties des IUFM qui traumatisent nos bambins en les abreuvant de La Fontaine jusqu'à plus soif... Et sauf chez les trop rares adeptes de la rixme (ce mélange créé par Ayroles pour sa série de BD "De Cape et de Crocs" qui devrait servir de support à l'école afin d'aiguiser le sens du verbe de nos marmots au lieu de leur filer des dictées à trous pré-mâchées).

Ces deux exceptions faites, rien ne force à la rime pour ressentir en soi ce petit quelque chose qui rapproche l'homme de l'âme, qui nous pousse au train de la créativité lorsque la muse nous habite et nous taquine (amateurs de contrepèteries, s'il y a quelque chose à signaler là-dedans, faites-le moi savoir). On a le droit d'avoir une sensibilité qui permette d'habiller le réel avec des effets décalés, avec une acuité révélatrice, parfois douce, parfois amère, parfois les deux en même temps. Ce n'est pas de la faiblesse que de se sentir animé de ces pulsions tendres et morbides, fortes et viscérales...

Et a-t-on besoin d'appliquer une technique podo-comptable pour être sûr de faire rimer au bon moment, en battant un rythme binaire, le mot "balistique" avec le mot "flic", le tout entouré d'improbables meufs ultraviolées et bikinikées dans une piscaille où flottent les dollars et où coulent les vulgaires chevalières en or ? (voilà, règlement de compte avec ceux des rappeurs qui se prétendent poètes effectué, ça défoule)

Si l'envie me prend de déblatérer sur l'inspiration poétique aujourd'hui, c'est sans doute suite à ce coup de blues matinal qui m'est tombé dessus et qui s'est trouvé amplifié, pour ne pas dire magnifié par le spectacle offert par les intempéries de l'aube naissante. La neige, crainte comme la peste par les adultes urbains dépendants de leurs bagnoles, réclamée par les mêmes lorsqu'ils veulent tâter de la glisse et se chauffer aux bars d'altitude, adulée par les enfants ainsi "privés" d'école (en effet, la neige a cette particularité de bloquer les serrures de tout établissement scolaire primaire dès les premiers flocons)... Cette neige, ce matin, a fourni à une précieuse mélancolie l'écrin le plus adéquat : le silence, le calme, la paix, la virginité... comme si une douce apocalypse avait éteint l'activité humaine sans en détruire le paysage... Dit comme ça, on pourrait croire à un tableau campagnard où une forêt dénudée perce l'atmosphère blanche pour gratter le crâne des nuages et faire tomber les pellicules d'une divinité quelconque. Pas du tout ! La vision que je viens de décrire est celle de l'aéroport international de Marseille qui jouxte, à un Etang près, d'immondes complexes pétrochimiques bientôt reconvertis en parcs d'attraction cancérigènes lorsqu'il n'y aura plus de pétrole. Autant dire que le lieu, en temps normal, prête peu aux considérations extatiques.

Mais ce matin n'était pas un matin comme les autres : il était intemporel. Il était de ces instants qui soignent les plaies tout en ravivant d'autres blessures, lorsqu'on se sent infiniment loin du centre, microscopiquement important, et en même temps responsable des maux de la Terre entière. La chape d'albâtre contrastant avec la couverture d'onyx de la nuit a transformé mon monde l'espace de quelques minutes, devenant un monde où tous les opposés s'attiraient, où la nostalgie était souriante, le froid réconfortant, les douleurs imperceptibles, les espoirs concevables, et où les ennemies d'hier et d'aujourd'hui pacifiaient...

Dans ce monde j'étais aussi un peu moins con. C'est fou comme la réalité peut vite reprendre le dessus...



07/01/2009
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