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Faire taire le silence

Déjà vaguement évoqué dans l'article précédent...

...le thème du silence m'est parmi les plus chers. Bien qu'ayant déjà, en d'autres lieux, fustigé la Fête de la Musique dernièrement, j'éprouve le besoin de m'exprimer à ce sujet ici aussi. Avec un mois de retard, et alors !?

A toutes fins utiles, je pose une précision tout de suite : j'aime la musique. Ce que je n'aime pas, c'est la structure qu'on lui offre sur un plateau public et qu'on impose par là même à environ 100% de la population. Tous ne sont pas mélomanes, mais les organisateurs de cette foire sonore n'en ont rien à secouer. Et même s'ils étaient tous mélomanes, aucune chance pour que tous apprécient le même style de musique. Mais peu importe, c'est la Sacro-Sainte Journée du Boucan, donc les réfractaires aux poum-tchaks binaires et aux 5/4 involontairement dissonnants sont priés de fermer leurs fenêtres et leurs gueules... Des heures durant, des zikos très amateurs assaillent les tympans des riverains comme des révolutionnaires s'en prenaient à ceux des églises (pour ceux qui ne pigeraient pas cette phrase, une brève recherche en architecture religieuse devrait vous éclairer). En plus, les balances sont généralement mal faites et, par un effet de mode déplorable, les basses sont systématiquement amplifiées afin de faire plus de volume sonore, et fuck les nuances.

Ca fait vibrer les vitres...

Bien entendu, la justification théoriquement culturelle de cette manifestation (rendant celle-ci politicorrectement inattaquable) n'est qu'un prétexte pour imposer un air de fête au moindre bourg, à la moindre ruelle, et ce sans se soucier de ceux qui auraient besoin de silence, pour diverses raisons (physiologiques, psychologiques, culturelles mais d'une autre culture...). Quoi de plus pathétique qu'une fille qui pleure dans un escalier envahi de rythmes harrassants parce que son mec l'a lourdée ce soir là ? Quoi de plus déplacé que les beats graves sourdant à travers les murs d'une chambre où on veille un mort ? Il est où le respect de l'autre quand on empêche un recueillement pour des raisons de teuf massive légitimée par quelques politicards démagos et consensuels ? Le plus triste là-dedans, c'est que quelqu'un qui aura besoin de silence sera hué et conspué si par malheur il réclame ce dernier. Le silence est traqué, chassé dans les moindres recoins, et il devient honteux de le revendiquer. Le sens de la fête a définitivement anéanti le sens de son prochain. Philippe Muray en parle tellement mieux, et avec une verve terrible ! Anarchiste de droite dont la lecture m'a été conseillée par un gauchiste asocial (si tu me lis, toi qui es concerné, je te caricature un peu, c'est juste un effet de style), c'est pour dire l'intensité du truc !

Si on demande d'arrêter le boucan, on sera prié de ne pas faire chier parce que c'est culturel et fédérateur. Culturel ? Mon cul ! Des covers toutes pourries de standards de la pop qu'on entend déjà en boucle sur les ondes consensuelles. Fédérateur ? Et ta soeur ? Si les mouches sont attirées par la merde, de nombreuses espèces préfèreront des substances plus douces et plus subtiles.

En fait, la société actuelle méprise le silence, même si celui-ci est demandé par une majorité. Imaginez une seconde qu'on crée la Fête du Silence ? La Journée sans Bruit ? Imposer le silence est juste mission impossible car trop de voix s'élèveraient contre cet "évident manquement à la liberté d'expression". Bande de nazes, les mimes et les muets, ils s'expriment comment ? En tapant sur des congas ?  Le silence est culturellement en inadéquation avec le monde danslequel on vit, et tenter de l'imposer aux "bruyants" comme ceux-ci imposent leur musique aux adeptes de la paix sonore est inenvisageable.

Je pense que les gens aujourd'hui ont peur du silence comme ils ont peur du noir. C'est la réflexion que je me suis lancée il y a quelques temps dans un train entre Genève et Lyon, en passant dans un tunnel plutôt long alors que l'éclairage du wagon dans lequel je me trouvais ne marchait pas. Nous étions donc plongés dans le noir, et j'ai aussitôt entendu un léger brouhaha, des rires nerveux ridicules, et autres sons humains que je ne pensais entendre qu'au cours d'un 4'33" de John Cage. Je me suis dit que les gens supportaient mal le silence, que ça les mettait mal à l'aise, comme des gosses qui ont peur du noir. Alors ils comblent ce qu'ils croient être du vide en faisant du bruit...

 

Chut...!



23/07/2011
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