ZE Blog inutile

- Considérations et prises de tête


Faire taire le silence

Déjà vaguement évoqué dans l'article précédent...

...le thème du silence m'est parmi les plus chers. Bien qu'ayant déjà, en d'autres lieux, fustigé la Fête de la Musique dernièrement, j'éprouve le besoin de m'exprimer à ce sujet ici aussi. Avec un mois de retard, et alors !?

A toutes fins utiles, je pose une précision tout de suite : j'aime la musique. Ce que je n'aime pas, c'est la structure qu'on lui offre sur un plateau public et qu'on impose par là même à environ 100% de la population. Tous ne sont pas mélomanes, mais les organisateurs de cette foire sonore n'en ont rien à secouer. Et même s'ils étaient tous mélomanes, aucune chance pour que tous apprécient le même style de musique. Mais peu importe, c'est la Sacro-Sainte Journée du Boucan, donc les réfractaires aux poum-tchaks binaires et aux 5/4 involontairement dissonnants sont priés de fermer leurs fenêtres et leurs gueules... Des heures durant, des zikos très amateurs assaillent les tympans des riverains comme des révolutionnaires s'en prenaient à ceux des églises (pour ceux qui ne pigeraient pas cette phrase, une brève recherche en architecture religieuse devrait vous éclairer). En plus, les balances sont généralement mal faites et, par un effet de mode déplorable, les basses sont systématiquement amplifiées afin de faire plus de volume sonore, et fuck les nuances.

Ca fait vibrer les vitres...

Bien entendu, la justification théoriquement culturelle de cette manifestation (rendant celle-ci politicorrectement inattaquable) n'est qu'un prétexte pour imposer un air de fête au moindre bourg, à la moindre ruelle, et ce sans se soucier de ceux qui auraient besoin de silence, pour diverses raisons (physiologiques, psychologiques, culturelles mais d'une autre culture...). Quoi de plus pathétique qu'une fille qui pleure dans un escalier envahi de rythmes harrassants parce que son mec l'a lourdée ce soir là ? Quoi de plus déplacé que les beats graves sourdant à travers les murs d'une chambre où on veille un mort ? Il est où le respect de l'autre quand on empêche un recueillement pour des raisons de teuf massive légitimée par quelques politicards démagos et consensuels ? Le plus triste là-dedans, c'est que quelqu'un qui aura besoin de silence sera hué et conspué si par malheur il réclame ce dernier. Le silence est traqué, chassé dans les moindres recoins, et il devient honteux de le revendiquer. Le sens de la fête a définitivement anéanti le sens de son prochain. Philippe Muray en parle tellement mieux, et avec une verve terrible ! Anarchiste de droite dont la lecture m'a été conseillée par un gauchiste asocial (si tu me lis, toi qui es concerné, je te caricature un peu, c'est juste un effet de style), c'est pour dire l'intensité du truc !

Si on demande d'arrêter le boucan, on sera prié de ne pas faire chier parce que c'est culturel et fédérateur. Culturel ? Mon cul ! Des covers toutes pourries de standards de la pop qu'on entend déjà en boucle sur les ondes consensuelles. Fédérateur ? Et ta soeur ? Si les mouches sont attirées par la merde, de nombreuses espèces préfèreront des substances plus douces et plus subtiles.

En fait, la société actuelle méprise le silence, même si celui-ci est demandé par une majorité. Imaginez une seconde qu'on crée la Fête du Silence ? La Journée sans Bruit ? Imposer le silence est juste mission impossible car trop de voix s'élèveraient contre cet "évident manquement à la liberté d'expression". Bande de nazes, les mimes et les muets, ils s'expriment comment ? En tapant sur des congas ?  Le silence est culturellement en inadéquation avec le monde danslequel on vit, et tenter de l'imposer aux "bruyants" comme ceux-ci imposent leur musique aux adeptes de la paix sonore est inenvisageable.

Je pense que les gens aujourd'hui ont peur du silence comme ils ont peur du noir. C'est la réflexion que je me suis lancée il y a quelques temps dans un train entre Genève et Lyon, en passant dans un tunnel plutôt long alors que l'éclairage du wagon dans lequel je me trouvais ne marchait pas. Nous étions donc plongés dans le noir, et j'ai aussitôt entendu un léger brouhaha, des rires nerveux ridicules, et autres sons humains que je ne pensais entendre qu'au cours d'un 4'33" de John Cage. Je me suis dit que les gens supportaient mal le silence, que ça les mettait mal à l'aise, comme des gosses qui ont peur du noir. Alors ils comblent ce qu'ils croient être du vide en faisant du bruit...

 

Chut...!


23/07/2011
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Compulsion et inspiration

Besoin et envie d'écrire, oui mais...

...d'écrire quoi ? Je relis ce que j'ai déversé ici depuis plusieurs mois, je m'autocritique a posteriori, sans vraiment me faire de cadeau, mais en comparant avec les journaux pseudo-intimes et les étalages de quotidienneries sans intérêt qui sont la majorité des écrits interneteux, je me dis que je suis à côté de la plaque. Ce qui est populaire, c'est la tartine de banal, pas les prises de tête ou les réflexion à deux balles que j'expose ici et que personne ne lit ou ne commente. Est-ce que l'absence de feedback doit me faire renoncer ? Je pourrais facilement répondre par l'affirmative, mais en mettant ça en balance avec la question opposée "la foison de commentaires navrants sur des sujets qui le sont autant poussent-ils les auteurs des-dits sujets à ne plus écrire ?", le combat Don-Quichottien qui est le mien m'incite à répondre "non, je ne renoncerai pas".

Même si je suis plus silencieux dernièrement...

Justement ! A quoi est dû ce silence ? Un petit peu, je l'admets, au fait que j'ai baissé les bras un temps face à l'écho du vide provoqué par mes textes tandis que les locataires à temps plein des rézosocio se répondent plus vite que des joueurs de ping-pong ne se renvoient la balle. Mon ego s'en est trouvé blessé et j'ai posé un genou à terre. Et tout le monde s'en fout, à part mon ego.

Et puis le manque d'inspiration a joué son rôle aussi. Pourtant, c'est pas les sujets de gueulantes qui manquent ! Très régulièrement, je suis emporté par un autre combat perdu d'avance sur Internet : le débat poli et posé avec des anonymes. C'est fascinant et frustrant à la fois...! Comment ça se passe ? Très simple : un sujet d'actualité, une video musicale sur Youtube, ou le comportement d'un joueur sur un jeu en ligne me fait réagir, ou du moins me motive suffisamment pour que je tente d'y laisser un commentaire constructif. Dont acte.

S'ensuit rapidement l'apparition du trolleur* (définition au bout de l'astérism... rix... riksme... en bas de page) qui, s'il semble en premier lieu défendre brutalement un autre point de vue que le mien, se révèle par la suite un simple crétin à l'insulte compulsive qui n'a aucun autre but que de cracher une haine de l'autre incontrolable. Ce comportement est remarquable en deux points : une réelle couardise qui relève de la trouille de la communication intelligente, et une capacité à faire durer l'agression verbale ad nauseum (ce qui arrive très vite). Plus c'est con, plus ça a raison. "C'est le dernier qui a parlé qui a raison" est son leitmotiv. Inutile de tenter de le raisonner, de l'attirer sur le terrain de la politesse, sur un quelconque rapport humain, c'est peine perdue. C'est si facile de redevenir inhumain, bestial, primitif, lorsqu'on est anonyme, caché bien à l'abri derrière son écran. C'est toute la frustration de celui qui aimerait impressionner les gens "IRL"** comme on dit, mais qui en est incapable, qui s'exprime ici.

Je peux même faire un parallèle rapide avec les systèmes judiciaires : là où un tribunal européen cherchera la vérité, un tribunal américain cherchera l'efficacité. De même, là où je cherche l'échange intellectuel, Homo Insultus ne cherchera qu'à avoir le dernier mot. Et il l'a toujours puisqu'il n'a pas besoin d'arguments, seulement de patience et d'insistance.

Bref, tout cela me consterne car ça participe au nivellement neuronal vers le bas que peut provoquer l'ouverture à tous les vents du principe d'Internet. J'ai tenté de contacter d'éventuels responsables, modérateurs, administrateurs, mais jamais personne ne m'a répondu. Raisonner les cons, c'est mettre des coups d'épée dans l'eau jusqu'à ce que celle-ci rouille (l'épée, pas l'eau...). Je me dis que c'est volontaire et que tant que les gens "communiquent" de la façon la plus vile, la plus facile, la plus primitive par le biais d'internet, ils n'ont aucune raison de faire l'effort IRL, avec de vrais gens. De plus, comme ils communiquent avec plus de monde virtuellement que dans la réalité, le sens des priorités se fausse et s'éloigne du bon sens. Résultat : on se conforte dans une communication viscérale, agressive et laconique.

Conclusion, les réactions des gens, anonymes sur Internet mais également vrais gens physiquement palpables et gifflables, m'incitent de plus en plus à fermer ma gueule. La loi qui s'impose est celle, non pas du silence (j'aimerais bien !) mais du désintérêt profond de l'opinion d'autrui. Que cela s'exprime par un con qui crie plus fort des insanités ou par des soupirs de "pffff, tu me saoûles avec tes discussions"...

Bon, voilà... c'est pas passionnant, mais maintenant que c'est exprimé, autant le publier.

* Trolleur : En langage "internet", internaute intervenant dans les débats ou les simples conversations avec pour intention de provoquer, d'agacer, de générer des points Godwin (les moteurs de recherche sont vos amis ! J'explique pas, na !), voire de se faire bannir.

** IRL : "In Real Life". Les non anglophiles comprendront quand-même : "Dans la Vie Réelle"


21/07/2011
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Le statut de la Liberté

Je dois dire que je me déçois quelque peu...
 
...car je pense que si je n'ai rien pondu ici depuis un moment, c'est à cause de mon incapacité (passagère, je l'espère) à admettre que la vacuité, l'inutilité, le tout-venant, aient leur place sur un espace public, et je bloque toujours sur la question très subjective du "est-ce suffisamment intéressant ?" (question à laquelle je ne parviens jamais à répondre par l'affirmative). Soit je place la barre trop haut, soit je pars moi-même de trop bas, et dans les deux cas, je ne suis pas assez objectif pour me faire une idée précise du... pffff... je finirai cette phrase une autre fois...
 
Tiens, à propos d'objectivité, et puisque je m'en suis déjà pris au thème agaçant de l'égalité, je me suis récemment fait la même remarque au sujet de la liberté. De même que l'égalité, la liberté n'existe pas et ne DOIT PAS exister... Enfin, comme pour l'égalité, elle est finalement très subjective, et une liberté totale et absolue serait aussi catastrophique pour la société que si on donnait les clés de l'Élysée à un homme ou à une femme politique (notez ici un cynisme d'une rare amertume qui pourrait déboucher sur une digression toute pourrie que je vous épargne...).
Mais revenons à nos ovins blancs* qui quêtent** sans relâche une liberté sans condition. Allez, je vais essayer de faire vite pour ne pas vous boursouffler la patience avec du verbiage poussif : la liberté sans condition, totale, absolue, c'est le chaos dans lequel on pourrait librement voler, tuer, se faire voler et se faire tuer.
Je sais, c'est du brutal comme disait Bernard Blier en goûtant le "vitriol" du Mexicain. Mais c'est juste pour aller tout de suite à l'extrême et prouver sans trop de difficulté que non, la liberté totale et absolue, c'est pas la panacée universelle et qu'on peut donc tranquillement causer du sujet dans la nuance.
Ce qui saute aux yeux avec cet exemple, c'est la nécessité de tenir compte de l'existence de l'Autre et du fait qu'un minimum de règles et de limites sont indispensables dans une société qui se veut post-néolithique. Ce que les gens (et je ne m'exclue pas de ceux-ci) ont du mal à admettre, c'est qu'étant incapables de poser des limites universelles de manière individuelles, ce sont donc des lois qui le font pour la société entière. Il y a en fait une sorte de hiérarchie qui n'est pas à sens unique et dont les divers éléments s'influencent mutuellement sans cesse :
- une sorte de liberté qu'on se donne à soi par rapport à soi-même, et qui ressort de la psychologie clinique plus que de la sociologie. Autrement dit, une sorte d'espace intérieur dans lequel on construit sa propre échelle de valeurs et dans laquelle on décide pour soi-même de ce qui est acceptable ou non. Un endroit inconscient où Spinoza et Rousseau tricoteraient ensemble une conception individuelle du rapport aux autres, l'un avec de l'éthique, l'autre avec du social.
- le niveau suivant serait le rapport aux proches, à la famille notamment, et mettrait en avant la liberté de maintenir une relation affective au delà de la simple nécessité pratique. Ce niveau étant également là où se joue le spectacle quotidien de la vie de famille, l'influence sur le précédent est évident : on construit son désir de liberté en partie en fonction du modèle qu'on a sous les yeux depuis qu'on a l'âge de salir des couches.
- s'en suivrait alors le niveau de liberté d'action dépendant du bon sens et de la vie en société. C'est là qu'on pourrait placer l'adage qui veut qu'on ne fait pas à autrui ce que l'on ne voudrait pas qu'on nous fasse. C'est là qu'on a la liberté de mettre une giffle au gosse du voisin parce qu'il a une tête à claques, mais qu'on ne le fait pas parce qu'on est en train de profiter de la piscine dudit voisin. Ou encore, on pourrait très bien dire au serveur arrogant de bouger son cul pour apporter un café, mais on ne le fait pas afin que ce dernier reste du café désalivé.
- et enfin, plus compliqué, le rapport aux lois institutionnelles et la liberté de les respecter ou pas, au risque de finir ramasseur de savonnettes à l'Open de pénis de Fresnes.
Sur ce dernier point, un conflit d'intérêt apparait en même temps qu'une caractéristique propre au concept de liberté : la relativité. C'est la même caractéristique que j'ai voulu mettre en avant en parlant d'égalité, autrement dit, on est toujours libre "par rapport à quelque chose", car il n'y a pas de liberté absolue (on est bien d'accord, hein ? Sinon, relisez plus haut). A partir de là, on peut commencer à différencier les libertés physiques des libertés morales, les deux étant bien sûr étroitement liées...
Et puis, même si ça passe mal, on peut aussi admettre dans une certaine mesure que le concept de liberté est culturellement différent d'un pays à l'autre, d'un peuple à l'autre. Les lois régissant la liberté d'action par rapport au bien commun dans les pays occidentaux (enfin, en théorie...) sont différentes de celles qu'on trouve en Birmanie où Aung San Suu Kyi a testé l'incompatibilité de la liberté d'expression avec celle de la balade dominicale en famille, ou encore en Iran où Sakineh a simplement constaté que la liberté d'être une femme était antinomique... On admettra donc que ces exemples sont culturels, mais pas seulement ! Des voix qui s'expriment sur tout un éventail de nuances morales et éthiques se sont élevées au sein de chacune de ces cultures, montrant par là même la très probable conception individuelle de la liberté, tant physique que morale, échafaudée en fonction de facteurs qui peuvent relever du vécu personnel ou de l'éducation aussi bien que de la loi elle-même.
 
Bon... ce sujet est trop vaste pour tenir en un seul article, et je ne veux pas faire fuir mes 3 lecteurs, donc j'en remettrai peut-être une couche sur le sujet plus tard.
 
Libre à vous de commenter ou pas. 
 
* les meilleurs étant ceux de Sancerre à mon goût
** c'est pas drôle et c'est même pas fait exprès ! Non mais vous avez quel âge ?!
 
 

16/11/2010
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L'illusion égalitaire

"All animals are equal...
 
...but some animals are more equal than others".
 
Voilà ce que la section de propagande porcine a inscrit sur le mur de la grange de Manor Farm depuis l'avénement du Goret tout puissant.*

Le principe d'égalité est faussé dès le départ puisqu'on l'associe avec celui de la liberté. Mais forcer les hommes à être égaux, n'est-ce pas une entrave à la liberté ? N'est-ce pas un rabotage violent du droit à la différence ? Doit-on vraiment considérer comme égaux le gros con qui pique-nique grassement sur les pelouses interdites des sites de l'Unesco en y abandonnant ses canettes de bière, et l'employé municipal qui passe derrière pour les ramasser et rendre au lieu son aspect de tranquille éternité ? Est-ce que le cerbère du Paradis laisserait entrer, même avec des patins, le type qui crie des insultes racistes au Parc des Princes comme il a ouvert la porte à Mère Térésa ?

Je suis pour la liberté. Je suis contre l'idée d'égalité. Tout simplement parce qu'on ne peut pas faire cohabiter les deux dans un même esprit qui se voudrait cohérent. De plus, la liberté, c'est un principe naturel. Celui d'égalité est factice, il sert à lustrer les bonnes consciences et à justifier un gros défaut : la jalousie. Vauvenargues le dit mieux que moi : "la nature n'a rien fait d'égal. Sa loi souveraine est la subordination et la dépendance". D'ailleurs, je ne pense pas qu'aucun philosophe n'ait jamais jugé que le principe d'égalité tienne debout sérieusement...

Il faut bien se mettre dans le crâne que les hommes ne sont pas et ne seront jamais égaux. Tout simplement parce que ceux qui en ont les moyens, ceux qui sont plus puissants, qui ont une position dominante dans un domaine ou un autre, tous ceux-là ne laisseraient pas faire, ils tiennent trop à leur petit rocher qui est un peu plus haut que les autres. Même les chantres de l'égalité qui n'ont que ce mot là à la bouche dans les manifs n'attendent rien d'autre que de prendre la place de ceux qui ont "plus qu'eux"... Je suis curieux de savoir qui, en toute honnêteté, serait prêt à vivre dans la plus parfaite égalité avec son voisin, celui qui vous parfume de son odeur de barbecue en été et qui met la musique trop fort le soir, ou avec celui qui fauche une gamine sur le trottoir avec sa bagnole lancée à 100km/h et 3 grammes de sang dans son alcool ? A moins qu'il crève aussi dans l'accident, je ne vois pas où on peut trouver un semblant d'équilibre dans ce cas de figure...

Alors quand pouvons-nous être tous sur un pied d'égalité ? Pas pendant la vie en tout cas. A la naissance, et à la mort. C'est tout.
A la naissance, le bébé qui se présente nu au monde et respire de l'air pour la première fois, peu importe qui il est, où il est, il est exactement le même que n'importe quel autre bébé. Mais au premier mot de l'adulte le plus proche, le mal est fait et le traitement commence à être différent. Et la progéniture deviendra un homme bon, un dictateur, un gros con, un suiveur, un faible... le choix est large. "Les hommes naissent égaux mais ils ne sauraient s'y tenir longtemps" disait Montesquieu, qui vaut bien deux Delacroix selon la Banque de France**.
L'égalité n'existe donc que quelques secondes dans la vie d'un être, humain ou animal, et ensuite, c'est la foire d'empoigne pour savoir qui piétinera au mieux son voisin. Le seul moment où l'homme se retrouve à nouveau dans la situation équitable avec son prochain, c'est lorsqu'il claque. Pour être honnête, c'est même après sa mort que l'homme est vraiment le semblable de ses semblables. Il y aura toujours un crétin qui, à l'article du dernier souffle, ricanera en se disant qu'il aura accumulé plus de pognon que son cousin, ce petit con qui lui piquait ses desserts lorsque, enfants, ils passaient leurs vacances ensemble dans le domaine familial de Versailles. Alors que post-mortem, comme le disait Desproges, "les droits de l'homme s'effacent devant ceux de l'asticot".
 
Alors, au final, comment concilier le goût des privilèges et le désir d'égalité ? Ce paradoxe, déjà souligné par De Gaulle, illustre mieux qu'aucun autre la lutte inégale (justement !) entre l'utopie et la réalité matérielle. Et c'est toujours cette dernière qui l'emporte car très peu sont capables de troquer un fauteuil personnel confortable contre un banc en bois à partager avec des moins nantis. Par contre, pour un fauteuil ergonomique avec système de massage des lombaires intégré, certains vendraient leur mère. L'égalité, on ne la désire qu'avec ceux qui ont plus, jamais avec ceux qui ont moins.
 
Et dans tous les cas, ceux qui prétendent instaurer un système égalitaire finiront toujours par garder le lait pour eux et par sortir les fouets, jusqu'à ressembler à s'y méprendre à ceux qu'ils ont chassés de pouvoir... Et "Animal farm" redevient toujours "Manor farm"...
 
 
* voir "La ferme des animaux" de G.Orwell
 
** Allusion mode d'emploi : Pour les trop jeunes ou les trop amnésiques, les billets de 200 francs étaient illustrés avec un portrait de Montesquieu tandis que Delacroix, le barbouilleur des révolutions, avait sa tête sur ceux de 100 francs.

10/09/2010
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Le Livre des Figures

 

N'importe quel débutant...

 

...en langue anglo-saxonne (à la porte, je vais ouvrir...) (hop, calembour minable, ça c'est fait, on entre dans le vif du sujet) aura saisi en lisant ce titre que je veux parler de Fesse-book. Non, je ne vais pas tirer à boulets rouges dessus, ce serait tellement facile... non, je vais plutôt dire ce que j'en pense du plus profond de mon petit coeur bouffi d'une sensibilité peu compatible avec le stéréotype du chromosome XY.

 

FB, comme on l'appelle lorsqu'on a la flemme ou la honte d'évoquer son nom en entier, c'est quoi donc ? En fait, c'est juste UN rézosocial parmi PLEIN de rézosocio, sauf que c'est le plus ouvert aux quatre vents, le moins confidentiel et, à mon sens, le plus vicieux. Comme tous les autres, son but affiché est de permettre aux gens de rester en contact avec leurs amis et leur famille via Internet, voire même d'en retrouver des perdus de vue.

Il y a évidemment des aspects positifs à cela, mais bizarrement, j'ai du mal à les (le ?) développer.

 

Hum... Allez, force-toi un peu faignant, sinon tu vas passer pour un mauvais bougre débordant de mauvaise foi !

 

Heu... Ouaiiiis, grâce à FB, on maintient le lien social avec des gens qu'on aime bien !!!

 

...Voilà, j'ai pas mieux, désolé.

 

Oui, on maintient le lien social, pour ne pas dire amical, avec des gens qu'on aime bien. Et en effet, c'est indispensable d'avoir à portée de communication un groupe plus ou moins important de personnes avec qui ça colle autant que le plastique d'une poubelle colle au macadam après le passage de cons-testataires pyromanes. Une poignée d'amis restée au bercail alors qu'on est soi-même déraciné, ou l'inverse... Admettons.

 

Seulement voilà, FB permet aussi de renouer malgré soi avec des gens dont on était content d'être débarrassé. Etre inscrit et commencer à montrer des signes de vie dans certains milieux, c'est battre le rappel de mauvais souvenirs qui auraient mieux fait de rester enterrés ! C'est se retrouver encombré de gens qui se prétendent vos amis simplement parce que vous avez partagé une sangria lors d'une soirée ou parce qu'ils étaient assis deriière vous sur les bancs du CE2. Est-ce qu'on peut réellement se permettre de perdre du temps à faire le tri entre tous ceux qui sont devenus de gros cons et ceux qui sont sans doute très sympas mais qui ne nous manquaient pas spécialement ?  Il y a toi à qui je pense et avec qui j'ai été content d'échanger quelques mots après 20 ans d'éloignement mais avec qui je n'ai pas plus d'affinités que ça. Il y a aussi toi à qui je pense et à qui je souhaite un cancer long et douloureux. Mais également toi avec qui on a bien rigolé pendant deux bonnes années, que la vie a propulsé au loin mais qui sauras où me trouver en cas de besoin. Et puis toi, qui as eu la drôle d'idée de céder à une méningite et qu'aucun rézosocial ne pourra reconnecter à moi.

 

La vie est ainsi faite de gens qui se perdent de vue naturellement, par les aléas du déménagement, du changement d'orientation scolaire, ou du désir de se fréquenter qui s'était tranquillement émoussé sans blesser personne ! Mais aussi parfois en blessant quelqu'un, car un gosse, ça peut agir cruellement, et penser qu'en grandissant l'autre aura oublié. et des exemples en tête, j'en ai une bonne pelletée ! Juste pour l'exemple, si je m'inscrivais sur FB, le risque de voir surgir des tréfonds de cette époque pourrie qu'a été le collège le dénommé Jérôme G serait important. Ce pauvre type qui avait l'indécence d'être plus doué que moi à l'école était mon pote, on déconnait ensemble comme des gamins jusqu'au jour où je me suis retrouvé dans une classe de "moins bons". Dès le jour de la rentrée, il m'a copieusement ignoré, voire méprisé... Quatre ans plus tard, un ami commun fait qu'on se retrouve sur la même banquette d'un train, et là ce fut la fête aux sourires hypocrites et aux serrages de paluches forcés. Ah la la, Jérôme, ce jour là, que n'avais-je la hargne qui m'habite (non, désolé, le calembour minable, c'était au début) aujourd'hui pour t'envoyer à la face le fond de ma pensée et voir disparaître de ton visage déjà couperosé la vilaine façade mensongère du paraître, du comportement bassement social ! Gros con !

 

Oui, c'est ça FB pour moi : du comportement bassement social au détriment du vrai entretien des vrais amis, de ceux qui seront vraiment là pour vous le jour où tout se cassera la gueule. A toi mon poteau, avec qui je me sens en phase mieux qu'avec personne, toi qui fus le secours irréprochable de ma détresse, toi que je considère comme un frère et à qui je peux toujours dire le fond de ma pensée si brutale soit-elle, dis-moi, depuis quand n'avons-nous partagé un verre pour parler longuement de nos vies, de nos soucis, de nos projets respectifs ?

 

FB, ça a un avantage social indéniable, mais surtout indéniablement limité à la surface. On m'a déjà avancé l'argument que c'était pratique car on avait accès à un instantané de la vie de ses amis. C'est très bien, c'est instructif (quoi que cet étalage de "qui fait quoi à tel moment", je ne trouve pas ça passionnant), mais ça manque de profondeur. FB ne laisse pas la place à la confidence, à l'échange constructif qu'on peut avoir lorsqu'on a une vraie discussion. Cette succession d'instantanés est symptomatique de l'époque, c'est un rejeton de la culture du zapping. On souligne un détail factuel sans grande importance, un événement ponctuel dont la valeur peut varier du "réellement intéressant" (si, si, je l'admets) à l'anecdotique le plus générateur de vide...

 

Enfin, mais là je ne suis plus du tout objectif (l'ai-je seulement été depuis que j'ai appris à écrire !?), j'ai développé une haine farouche à FB depuis que quelqu'un dont je tiens le niveau intellectuel en plus haute estime m'a déclaré avoir la flemme de lire mon blog tout en essayant de me convaincre de m'inscrire sur ce rézosocial...

 

En faisant preuve d'un peu de lucidité, on doit pouvoir comprendre qu'avoir 200 "amis" qui ne lèveront pas le petit doigt pour nous en cas de pépin, c'est aussi indispensable que de posséder le dernier Ipod, fleuron de technologie assemblée avec maestria par de petits Coréens, Ipod destiné à être obsolète une fois franchie la porte du magasin où on l'aura acheté. C'est une mode : ça sert à rien, mais ça en jette.

 

Je pense que je m'inscrirai sur FB le jour où il sera dans l'impossibilité technique d'enregistrer plus de 10 "amis".

 

 

Des vrais.


08/03/2010
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